Un film contemporain mérite clairement l’attention du public, puisqu’il possède bon nombre de qualités, et il s’agit de Whiplash de Damien Chazelle (2014). Ce film raconte l’histoire d’Andrew Neiman, un jeune batteur de jazz de 19 ans. Ce dernier vient d’intégrer le prestigieux Shaffer Conservatory de New York, l’une des meilleures écoles de musique du pays. Aspirant à devenir le nouveau Buddy Rich, il est repéré par le très exigeant Terence Fletcher, enseignant et chef d’orchestre à Shaffer. A l’origine, c’est un film qui a été conçu pour un scénario de 85 pages.
Afin d’attirer les investisseurs, Blumhouse et Right and way films ont produit un court-métrage, toujours avec Chazelle derrière la caméra, et basé sur les 15 premières pages du script. En résulte de tout ça un court-métrage primé au Festival de Sundance en 2013, avec la reconduction de J.K Simmons dans le rôle de Terence Fletcher. Ce dernier aura donc tourné dans le court puis le long-métrage. Si le court-métrage a cartonné, le film a tapé encore plus fort.
Whiplash, c’est une accumulation de plans léchés et millimétrés. Le film nous propose une incursion diégétique directe. Un des premiers plans du film c’est Fletcher qui propose directement à Neiman de rejoindre son académie de musique. Comme beaucoup de films, l’incursion diégétique rapide et immédiate (l’in medias res) est un fait récurrent dans la plupart des films Blumhouse (Dans Get Out, Chris et Rose se rendent rapidement chez les parents de Rose. Dans Split, Kevin kidnappe dès le début du film les trois lycéennes). Le cadre participe directement à ce qu’il se passe au sein de l’histoire, à chaque « Faster » de Fletcher pendant les scènes de concert, Damien Chazelle illustre visuellement l’intensité des propos du film et de la relation entre les protagonistes joués par Miles Teller et JK Simmons. L’image du dessus en témoigne où Chazelle capte dans un même plan le dominant (Fletcher) et le dominé (Neiman) alors que la mise au point est clairement effectué sur le visage du professeur et non sur celui de l’élève.
La photographie de Sharon Meir, directrice de la photographie peu connue qui n’a jamais travaillé avec Blumhouse, participe à cette réussite générale. La couleur jaune qui parsème les plans participe à une atmosphère particulière. Ici on a affaire au jaune, dans Gallows, par exemple, c’est le rouge, alors que l’on a plutôt des teintes neutres dans Get Out.
Bourré de punchlines, le scénario dantesque assoit le personnage de Fletcher comme une réincarnation du personnage du sergent instructeur Hartman dans Full Metal Jacket de Stanley Kubrick. Forme d’éloge du personnage de son prédécesseur, Fletcher prends un malin plaisir à dézinguer ses élèves et la performance royale de JK Simmons insuffle une véritable tension omniprésente au film.
Damien Chazelle parsème ce film de plans qui lui appartiennent émotionnellement. On retrouvera notamment un plan de Fletcher et Neiman qui se rencontrent dans un piano bar, qui sera de la même nature qu’une rencontre entre Ryan Gosling et Emma Stone dans l’autre carton de Damien Chazelle : « Lalaland » (2016).
Whiplash sera un immense succès critique avec pas moins de 40 récompenses dans des cérémonies différentes. Des golden globes, aux saturns awards, en passant par les inévitables oscars, le film aura tout raflé sur son chemin. La performance extraordinaire de JK Simmons sera unanimement saluée par tous. Blumhouse tentera de récidiver cet incroyable succès d’estime avec le film de Spike Lee, BlackKklansman, qui, primé à Cannes, aura lui aussi connu un parcours incroyable aux oscars avec de multiples nominations à la clef.
