Film humble et gorgé d’émotions, le long-métrage de Kenneth Lonergan explose littéralement les compteurs. Maniant à la fois des choix visuels bien fondés et un travail de personnages proche du remarquable, Lonergan arrive à donner une dimension galactique à ses acteurs et actrices, qu’ils soient des talents en devenir ou des second couteaux d’Hollywood. Dans une ambiance sobre aux couleurs désaturées, le film arrive à émouvoir, impressionner et tordre le cou aux stéréotypes de films dits « à oscars ».
Manchester By The Sea est le favori pour la course aux oscars de 2017. Il forme, avec des films comme Fences de Denzel Washington, un arc cinématographique où les portes-étendard du genre sont des films empreint d’une certaine théâtralité dans leurs narrations respectives, loin des artifices techniques grand spectacle de l’année précédente, avec The Revenant, Mad Max Fury Road ou Seul sur Mars. Kenneth Lonergan réussit à placer son film comme un film humble par excellence, en faisant fi de strates de lectures artificielles du film, privilégiant l’humain, l’authentique et les véritables émotions que chacun peut ressentir face aux situations que vivent les protagonistes.
En parlant de sobriété technique, Lonergan réalise une pléiade de plans assez classiques, préférant les utiliser pour exclusivement capter un intérêt qui permettra d’asservir l’écriture des protagonistes de son film. Les seuls plans d’ensemble marquants de Manchester By The Sea sont ceux qui entourent le bateau de Joe Chandler et la présence des personnages en son sein pour accentuer l’importance du bateau dans le fil narratif du film. Pour le reste, Lonergan n’utilise pas le même procédé pour les paysages de Boston et Manchester afin de s’accoupler avec le désordre intérieur du personnage de Lee et son aversion violente pour ses lieux. Les plans deviennent exclusivement des point de centrage sur les personnages eux-mêmes afin de densifier leurs émotions.
Pour ce qui est des personnages, c’est inéluctablement le tour de force de Manchester By The Sea. On pense naturellement que le pivot central de l’intrigue sera Patrick Chandler, orphelin de Joe. Mais naturellement, on va s’axer autour de Lee. Le présentant d’abord comme un oncle qui tente de fuir la garde de son neveu, Lonergan complexifiera le personnages par des points d’intrigue sous-jacent qui retourne complètement notre opinion du personnage. Lee Chandler est de plus campé par un formidable Casey Affleck qui obtient enfin un rôle dense où il peut faire l’étalage de tout son jeu. S’assurant de pérenniser un personnage livide et dénué de toutes volontés de se battre, il rappelle étrangement Eddie Marsan dans Une Belle fin de Pasolini, mais avec toutefois plus d’étalonnage de son jeu sur des strates différents de personnalité.
Orchestrant un tour de force entre émotion, maestria scénaristique et personnages impeccables, nous vous conseillons assurément Manchester By The Sea, LE tourbillon d’émotion de cette fin d’année 2016.