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Analyses

Glass / Split : Le retour en forme explosif de M.Night.Shyamalan

Devant l’énorme succès au box-office de The Visit, Shyamalan fut reconduit en 2017 par le studio Blumhouse Productions pour un projet qui lui tenait à cœur, le film « Split » porté par un célébrissime acteur, qui avait, à ce moment-là, le vent en poupe grâce à ses multiples apparitions dans les Blockbusters Xmen, à savoir James McAvoy. Le film « Split » narre les aventures de Kevin Wendell Crumb, un individu possédant 23 personnalités différentes, qui kidnappe trois jeunes filles dans le but de les livrer en pâture à la « bête », une 24ème personnalité animale et surhumaine. Le film a connu à peu près le même parcours de financement que The Visit, à savoir l’autofinancement. Selon les dires de Jason Blum :

« Split n’est pas un film comme les autres, c’est un film ambitieux avec un budget limité, un film épique de par l’histoire incroyablement novatrice et captivante que nous raconte Night, qui ne s’appuie ni sur un déploiement d’images de synthèse ni sur un budget outrancier ».

 

Grâce à cette production plus restreinte sur un cadre bref d’une poignée de personnages et de décors, le cinéaste était à même de concentrer son énergie sur l’histoire et le développement de ses protagonistes, s’épargnant les diversions et les complications qu’implique un film plus onéreux.

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Le long-métrage a connu une campagne marketing assez classique à grand coup d’affiches et de trailers. Les affiches montrant généralement Kevin assez fracturé, montrant bien l’idée de cette division de son esprit via les 23 personnalités (et la 24ème qui n’adviendra qu’un peu plus tard). Les trailers se recentraient ensuite sur la psychologie particulière du personnage de Kevin, soulignant qu’il allait être le point central du film, et le long-métrage ne trompe pas. Les trois jeunes filles kidnappées n’ont que peu d’importance dans l’histoire. Seule Casey nouera une relation particulière avec le personnage qui sera étoffé au sein de Glass (la suite du long-métrage en 2019).

Complètement dans l’esprit Blumhouse, le marketing de Split s’est réalisé autour d’un buzz viral sur les réseaux sociaux. De plus, la présence du film en tant que production d’ouverture au festival du film fantastique de Gerardmer a créé un buzz positif autour du film, dont beaucoup ont assuré que ça allait être le retour en forme de M.Night Shyamalan.

La qualité du métrage le confirme. Possédant une indéniable empreinte d’auteur, Split se recentre avec réussite su la psyché de son personnage principal pour faire monter crescendo la tension. L’horreur est présentée de façon subtile et intelligente et la spécialité de Shyamalan, le twist final, retournera complètement tous nos préavis initiaux sur l’histoire. La direction de la photographie, menée par Mike Gioulakis (It Follows) est extrêmement bien réussie et permet de transformer l’atmosphère des décors comme un personnage à part entière. C’est cette puissance de l’image qui incitera Blum à reprendre Gioulakis sur d’autres projets du studio, comme Glass et Us.

La photographie de Split reste monochrome et uniforme, et Gioulakis essaie perpétuellement de changer son fusil d’épaule afin que sa colorimétrie soit sans cesse en renouvellement. Il n’y a qu’à voir le progrès instauré avec Glass, où l’utilisation des couleurs est directement participative de la psychologie des personnages.

Split c’est donc cela, une réussite artistique et visuelle, avec une patte graphique folle et maîtrisée, qui signe le retour en force de Shyamalan, directement dans l’ADN Blumhouse. Le film parvient à étonner et transcender les facilités scénaristiques propres aux films d’horreur.

La scène de transformation de Kevin Wendell Crumb en Beast montre à elle seule la puissance symbolique du long-métrage. Elle connote le basculement du personnage vers un chaos destructeur. Profondément croyant via le personnage de Patricia, un travelling de haut en bas montre le don que fait Kevin pour que cette transformation se passe bien. Ce passage d’un état de folie à un état bestial se fait en même temps que la découverte de Casey des différentes vidéos montrant le « journal intime » de Kevin qui dévoile sa personnalité profonde et complexe. On réutilise à léger travelling cadrant le haut du buste de Kevin pour représenter sa rentrée dans le wagon de métro, lieu qui va être le théâtre de sa transformation physique et psychologique. Le plan de dos qui suit ensuite où le personnage va disparaître du cadre et réapparaître en devenant la bête assois ce passage définitif d’un état à un autre. La musique de West Dylan Tordson (Joy) permet d’accroître ce sentiment de montée en pression. Tout nous guide vers une conclusion presque inaltérable, la folie meurtrière de Kevin est devenue inarrêtable : Le Twist de Shyamalan a donc bien eu lieu.

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Mais là où Shyamalan nous a encore plus étonné, c’est en créant une passerelle surprise avec Incassable (2002) au travers de sa scène finale où l’on comprend que Kevin Wendell Crumb évolue dans le même univers que David Dunn, l’homme d’acier et Elijah Price, Mr.Glass, les protagonistes du film de 2002. C’est ainsi que naîtra, deux ans après « Split », l’ultime crossover de ces deux aventures, « Glass ».

« Glass », c’est la métaphore ultime de l’individu super-héroïque en dehors des carcans explosifs de Marvel. C’est un drame intimiste et viscéral sur la place des individus « supers » dans un monde où la normalité des individus doit être un fait unilatéral pour éviter de troubler la quiétude de la population. Nos trois personnages se retrouvent ainsi enfermés et confrontés à une psychologue essayant de les persuader qu’ils ne sont « supers » uniquement pour des faits médicaux rares mais rationnels.

Mais ce qui fait avant tout la puissance du film, c’est ses choix de couleurs. De façon générale, le chef-décorateur Chris Trujillo souhaitait une direction artistique inédite dans le paysage graphique du cinéma moderne, en utilisant la couleur de manière stratégique afin de proposer à chaque fois une véritable intention créative derrière ces choix. Il explique :

« Il y a un thème de couleur très précis dans tous les décors et les costumes. La qualité de la couleur est spécifique à certains endroits pour que le public comprenne notre intention. Un espace peut avoir une atmosphère éthérée, presque claustrophobique, tandis qu’un autre sera plus saturé, avec une couleur un peu plus soutenue. Nous essayons d’être très précis quant à ce que nous suggérons au sujet de la psychologie des personnages à travers la couleur des espaces. C’est parfaitement délibéré. »

Cette volonté est la plus frappante dans la salle où le Dr Staple traite Dunn, Crumb et Price lors d’une séance commune. Chris Trujillo note :

« C’est cette immense pièce fabuleuse qui est monochrome dans des tons roses. C’était un peu contre-intuitif pour moi, mais Night était très confiant, et en fin de compte le rendu est assez incroyable. On obtient cette salle hypnotique, avec une atmosphère étrange qui fait très Kubrick. »

Le choix des couleurs pour habiller les personnages, vert pour Dunn, violet pour Price et Jaune pour Kevin participe aussi une volonté de distiller un message.

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En l’occurrence, on aperçoit le fils de David, lorsque celui-ci est dans un magasin de comics, se rendre dans les rayons « gentils », représentés par la couleur verte et « vilains », représentés par la couleur violette. Tout participe à un choix de classement des personnages dans une caste bien établie. C’est pour cela que Kevin n’appartient à aucune catégorie puisqu’il s’agit d’un personnage qui obéit à sa propre justice. On le remarque par sa couleur peu présente dans le long-métrage (le jaune) et sa place centrale au sein des affiches promotionnelles du film, pour montrer que le personnage sera sans cesse ballotté entre différents camps.

Shyamalan a bénéficié d’une véritable campagne de promotion digne d’un Blockbuster. Même si le film n’avait encore qu’un budget modeste (20M), il a bénéficié de bandes-annonces mettant en avant le côté « affrontement final » entre les différents protagonistes, alors qu’au final il s’est avéré être plus subtil et plus fin que cela.

Aussi, les incroyables succès financiers et critiques de ces deux productions de Shyamalan (278,904,806M de $ pour Split, 245,505,303M de $ pour Glass) ont permis au réalisateur de connaître un nouveau départ dans sa carrière, après de multiples déconvenues. Cela nous prouve une chose, que la méthode Blumhouse, unique dans son genre, permet de donner un second souffle à la carrière en déclin de réalisateurs expérimentés.

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