Disponible en version digitale depuis quelques semaines, Gotham by Gaslight sort ce Mercredi 28 Février en Blu-ray et DVD. Bonne nouvelle concernant celles et ceux qui n’auraient pas en leur possession le récit original publié par Panini Comics en 2009, puisque qu’Urban Comics proposera un pack comprenant le DVD et les graphic novels de Gotham by Glaslight et de sa suite, Le Maître du futur, dont la sortie est programmée le 22 Juin 2018 pour la somme de 21 euros. Ce fut avec une grande impatience que j’attendais l’adaptation animée du fameux elseworld de Brian Augustyn (BRPD, Crimson, The Flash, Justice League) et de Mike Mignola (le créateur d’Hellboy). Le récit d’origine étant assez court (48 pages) pour en faire une adaptation de plus de 60 minutes, le studio se devait donc de réécrire l’histoire… Verdict.
31e long-métrage du
DC Universe Animated Original Movies d’une durée de 1 h 17,
Gotham by Gaslight est réalisé par
Sam Liu, prolifique réalisateur de
Superman/Batman : Public Enemies,
Justice League : Crisis on two Earths,
Planet Hulk,
All-Star Superman,
Batman Year One,
The Killing Joke ou encore et le navrant
Batman and Harley Quinn. Nous devons la réécriture du scénario à
Jim Krieg, qui a officié sur la
série animée Spider-Man de 1995,
Ben 10,
Batman : L’alliance des héros, la série animée
Green Lantern et
Flashpoint Paradox.
(Mini spoiler dans ce second paragraphe)Le film s’ouvre sur d’authentiques plans de Gotham eu XIXe siècle, entre brume, vapeur de locomotive, tenues vestimentaires de l’époque et lampadaires à gaz, pour nous emmener ensuite dans un petit cabaret nommé « Gotham Gaiety Girls ». Sur scène, une performeuse du nom de…
Ivy. À seulement 1 minute 15 de visionnage, la mention R-Rated du film d’animation se justifie face à la danse d’une
Ivy se dénudant progressivement et à la réplique de l’animateur s’adressant au public masculin « Oserez-vous goûter son fruit défendu ? » À la fin du show, la jeune femme quitte le cabaret afin de rentrer chez elle, n’ayant d’autre choix que d’emprunter les sinistres ruelles aussi brumeuses que crasseuses. C’est alors qu’elle croise l’antagoniste du film, qui n’est autre que
Jack L’Éventreur bien entendu, à l’instar du récit d’origine. Triste fin pour
Ivy, mais heureux
commencement pour le spectateur agréablement surpris, surtout s’il a lu le
graphic novel. En seulement 3 minutes, nous assistons à un récit totalement remanié, avec l’utilisation d’autres personnages de l’univers de
Batman, bien sûr réécrit, comme ce fut le cas pour
Poison Ivy, mais aussi pour trois autres personnages dans la scène suivante. Afin de ne pas vous gâcher le plaisir du visionnage de cette adaptation, nous n’en dirons pas plus sur eux.
En revanche, dans cette séquence, nous pouvons souligner l’un des plus brillants clins d’œil qui n’ait jamais été fait à la première scène du Batman (1989) de Tim Burton. Des petits voyous menacent un couple, lorsque l’un d’eux prend peur. Le plus téméraire de la bande lui demande alors s’il a peur du noir. Le petit voyou lui fait comprendre qu’attaquer ce couple est peut-être une mauvaise idée, surtout après ce qui est arrivé à Johnny Gobs. Pour rappel, dans la première scène du long-métrage de Burton, deux petits malfrats s’en prenaient à un couple, volant leur portefeuille. Peu après, l’un des deux malfaiteurs prenait peur, son comparse lui demandait alors s’il avait le vertige. Le malfaiteur craintif répondait que oui, surtout après ce qui était arrivé à Johnny Gobs, brutalisé par Batman. Tout comme les premières semaines d’activité de Batman dans le film de Burton, Gotham by Gaslight fait du Chevalier Noir une légende urbaine et mystérieuse, d’autant plus à cette époque victorienne pleinement nourrie de superstitions.
C’est dans cette seconde séquence qu’apparaît le Batman du récit, suivi d’un violent affrontement entre lui et l’un des malfrats. Peu après, les cris d’Ivy se font entendre, forçant Batman à quitter les lieux pour venir en aide à la jeune femme. Contrairement au justicier, le public assiste alors à la continuité de la première scène, montrant le meurtre sanglant d’Ivy à travers les nombreux coups de poignard de Jack l’Éventreur. Le tueur disparaît dans la brume tandis que le Chevalier Noir arrive trop tard, constatant le corps de la jeune femme étendu au sol, baignant dans des litres de sang. Que ce soit au niveau du scénario, de la réalisation, de l’utilisation des couleurs sombres et âpres, des éléments et des détails de l’époque, Gotham by Gaslight se montre aussi dur qu’audacieux dès ces deux premières scènes.
Le scénario suit ensuite son cours, avec l’introduction de personnages absents du récit d’origine tels que Selina Kyle, Leslie Thompkins, Harvey Dent ou Harvey Bullock. La psychologie de ces personnages est l’un des points forts du film, en particulier celles de Selina et Leslie, permettant une touche de féminisme plus que bienvenue à cette époque de misogynie où les femmes n’avaient droit à aucune considération, interdite, par exemple, dans certains clubs exclusivement réservés aux hommes (sans parler de l’interdiction au droit de vote).
Mais ce n’est pas tout. En plus de proposer une authentique réécriture qui s’avère à la fois plus complète et complexe, l’adaptation utilise certains éléments du récit
Le Maître du futur écrit par
Brian Augustyn et dessiné par
Eduardo Barreto tel le bat-grappin steampunk, le ballon dirigeable ou encore l’exposition universelle. Rappelons que
Le Maître du futur fut la suite du graphic novel
Gotham by Gaslight. Lorsque j’avais appris avec grand plaisir l’adaptation de
Gotham by Gaslight de
Augustyn et
Mignola, je rêvais en secret d’une autre adaptation concernant
Le Maître du futur. Comme je l’ai notifié dans ma critique concernant ces deux œuvres (que vous pouvez retrouver ici :
http://dev1.geekslands.fr/item/1253-gotham-by-gaslight-le-maitre-du-futur-la-review), elles utilisaient deux ambiances opposées et pourtant complémentaires concernant ce premier elseworld
DC : un style
Edgar Allan Poe pour les rues de Gotham City et un style
Jules Verne pour l’exposition universelle. Cela aurait pu être également le cas dans cette adaptation, mais malheureusement, le dirigeable utilisé ici n’a pas de style steampunk, ainsi que l’exposition universelle, loin d’être rétrofuturiste contrairement au récit original. Une petite déception purement personnelle sur ce point.
ALFRED : Vous testez encore votre théorie des empreintes digitales ? Vous savez, ce ne sera jamais reconnu comme preuve.
BRUCE : Il n’y a pas d’empreintes, juste quelques fibres dans la fermeture. Si je pouvais trouver le vêtement.
ALFRED : Cela devra attendre. J’ai sorti votre costume de deuil.
BRUCE : Je ferais mon deuil à ma façon.
ALFRED : La revanche.
BRUCE : Son sang le réclame.
ALFRED : Vraiment, Monsieur ? Bien-aimés, ne vous vengez pas vous-mêmes. À moi la vengeance, à moi la rétribution, dit le Seigneur.
BRUCE : Je travaille mieux ainsi, Alfred.
Le côté détective de
Bruce Wayne est intelligemment utilisé, tout comme la relation de son alter ego avec
Gordon. Concernant les dialogues, ils débordent d’authenticité, permettant des relations fort développées, en particulier entre
Bruce et
Selina. Parmi les adaptations audiovisuelles, nous avons rarement vu leur relation aussi complexe et intéressante.
La réalisation de Sam Liu est propre et authentique, tout comme l’utilisation des couleurs dont les différentes teintes de jaune et d’orange provenant de diverses sources d’éclairage permettent un puissant contraste avec les autres tons plus sombres tout en instaurant continuellement l’ambiance particulière du contexte et de l’époque.
La composition musicale de Frederik Wiedmann (Flashpoint Paradox, Le fils de Batman, Batman vs Robin, Batman : Bad Blood) se mêle parfaitement au récit, bien que nous aurions apprécié une dimension plus classique et symphonique concernant l’exposition universelle.
Mention au doublage original de qualité, en particulier Bruce Greenwood (Rambo, Passager 57, I, Robot, Truman Capote, I’m not there, Star Trek, The place beyond the pines, The Post) qui avait déjà doublé le Chevalier Noir dans Batman : Under the Red Hood et Young Justice, ainsi que Jennifer Carpenter (L’Exorcisme d’Emily Rose, Faster, Dexter, Limitless), qui livre ici une excellente interprétation du personnage de Selina Kyle.
En conclusion, l’un des meilleurs longs-métrages du DC Universe Animated Original Movies, mais aussi l’un des récits les plus audacieux sur l’homme chauve-souris, tous supports confondus. L’adaptation dépasse de loin l’œuvre originale de Augustyn et Mignola grâce à une réécriture risquée intégrant féminisme, psychologie et relations travaillées. De plus, l’identité de Jack L’Éventreur ne se devine pas dès les premières secondes contrairement au graphic novel. Une œuvre riche que nous vous conseillons vivement, parfait lot de consolation qui vous fera à coup sûr oublier votre révolte ressentie devant le visionnage de Batman and Harley Quinn. En dehors des ses authentiques comics, et malgré le charcuté Suicide Squad et le profané Justice League, DC sait aussi encore nous proposer de l’excellence en matière audiovisuelle.
9/10