“Un excellent film vampirique où le sang, la musique et l’histoire s’entrelacent avec brio.”
Après Creed, Black Panther et Judas and the Black Messiah, Ryan Coogler nous livre avec Sinners son œuvre la plus audacieuse, la plus dérangeante, et peut-être la plus aboutie. Loin d’un simple film d’horreur aux canines faciles, Sinners est un tour de force qui mêle habilement critique sociale, folklore vampirique, cynisme, musicalité et satire politique dans un bain de sang stylisé mais profondément réfléchi. L’intrigue se déroule en 1932, dans le Mississippi ségrégationniste, où les jumeaux Smoke et Stack Moore, vétérans de la Première Guerre mondiale et anciens membres de la pègre de Chicago, retournent dans leur ville natale de Clarksdale pour ouvrir un bar dansant destiné à la communauté noire locale. En toile de fond, le film explore les tensions raciales de l’époque, la résilience des Afro-Américains face à l’oppression, et la richesse culturelle du blues. L’arrivée de vampires, menés par l’Irlandais Remmick, symbolise de manière métaphorique les forces prédatrices cherchant à s’approprier la culture noire américaine. Résultat : ça va inéluctablement finir en Tarantino horrifique.
C’est un film profondément intelligent et porté par une écriture des personnages aux petits oignons, évitant facilement les archétypes. L’intrigue sert les personnages et les visions de chacun, et non l’inverse. Coogler renouvelle le genre horrifique en évitant les clichés habituels. Les scènes de tension sont savamment orchestrées, utilisant le silence, la musique et des plans maîtrisés pour instaurer une atmosphère oppressante sans abuser de jumps-scares artificiels propres au cinéma d’horreur. Il utilise également de façon habile le hors-champ et la suggestion, comme en témoigne la scène où l’Irlandais Remmick s’attaque à Mary.
Au-delà de sa volonté de faire flipper, Sinners s’amuse aussi avec son spectateur, de façon cynique, joviale et presque feel-good. En plein climax de tension, on ne peut pas bouder notre plaisir devant une scène incroyable où tous les vampires se mettent à chanter le mythique Rocky Road to Dublin. C’est fun, rythmé, alternant la tension et l’humour (bien que le scénario soit particulièrement porté sur le se**). Ryan Coogler convoque par ailleurs un bon nombre de références, du film Français Les Dents de la Nuit, jusqu’au Django Unchained de Quentin Tarantino. Il joue par ailleurs avec un autre procédé déjà utilisé dans le film de Mafieux “Legend” avec Tom Hardy, à savoir dupliquer son comédien central en deux personnages jumeaux. Michael B. Jordan arrive à s’en sortir avec les honneurs même si ce n’est non plus hyper marquant. Car le personnage qui vampirise l’attention c’est l’étonnant vampire Remmick.
L’Irlandais, joué par Jack O’Connell, est celui qui porte Sinners sur ses épaules, imposant son humour et sa bonhommie ambiante dans un style qui s’y prête pourtant peu. Dans cette pièce de théâtre grandeur nature, on tremble, on rit, on sursaute (parfois) mais surtout on s’amuse tellement Sinners vient dépoussiérer la pléiade de suites, remakes et reboots qui obstrue nos salles. Ryan Coogler confirme son talent de conteur engagé, capable de mêler divertissement et réflexion sociale. Avec une mise en scène soignée, des performances d’acteurs remarquables et une bande-son envoûtante, Sinners s’impose comme l’un des films incontournables de 2025.