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Analyses

« Tau » (Netflix – 2018) et le traitement de l’intelligence artificielle (1/2)

“Tau” (Netflix – 2018) et le traitement de l’intelligence artificielle (1/2)
“Tau” (Netflix – 2018) et le traitement de l’intelligence artificielle (1/2)

Tau est un film sorti sur Netflix le 29 Juin 2018. Premier long-métrage de Frederico D’Alessandro, il regroupe, sous une toile de fond futuriste, des comédien(ne)s tel(le)s que Maika Monroe, une jeune actrice impériale dans It Follows de David Robert Mitchell (2014), Gary Oldman, dont la réputation n’est plus à faire, ou encore, l’hyper monolithique Ed Skrein, adepte de Blockbusters d’actions. Tau est à mi-chemin entre le thriller horrifique et la romance de science-fiction. Une jeune femme va tenter de manipuler une intelligence artificielle qui a soif de savoir afin de s’échapper d’une villa de luxe où elle est séquestrée par un tortionnaire psychopathe obnubilé par la création d’une intelligence artificielle la plus évoluée qui soit.

Le concept « huis-clos futuriste » pour créer une innovation technologique fantastique était déjà le cadre du récit d’Alex Garland au sein du très réussi « Ex Machina » qui rendait saillant les expérimentations du test de Turing sur une I.A déjà bien développée à la base. D’Alessandro cherche par certains moments à singer la thématique, en explorant de manière moins dense tout le potentiel d’incorporer le sujet de l’I.A au sein de son long-métrage. Mais le film captive son auditoire de bien d’autres façons (que je détaillerai par la suite).

Pourvu de critiques assez glaciales (2,9/5 sur Allociné et 5,2/10 sur Senscritique), nous tâcherons, à l’instar de Beauté Cachée, de proposer une analyse sur ce long-métrage afin de voir si l’aspect graphique de celui-ci et sa dimension verbale en font (comme Ex Machina) une œuvre exemplaire ou non sur son traitement de l’intelligence artificielle. Stase par stase, nous reviendrons sur tous les enjeux de chaque scène de « Tau » où Julia, notre protagoniste et l’IA sont en interaction, afin de dresser des ponts avec d’autres longs-métrages, justifier les probables parti-pris du réalisateur et se questionner convenablement sur les dimensions éthiques de ce long-métrage. Reste-t-il en effet sur ses simples souches fragiles de romance futuriste ou tente-t-il de pousser la réflexion un peu plus loin ? Ce questionnement sur « Tau » ne sera qu’un axe sous-jacent de notre étude. Nous essaierons en effet de porter le regard en un sens sur le traitement de l’intelligence artificielle au cinéma depuis ces quelques années, en effectuant un certain tissage avec des films du même acabit (Transcendence – 2013 ; Ex Machina – 2015 ; Annihilation – 2018… en sont les exemples les plus représentatifs de notre future étude, porté sur deux chroniques connexes. La seconde sortira d’ici quelques mois).

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Les robots intelligents du cinéma : une future réalité ?

Le traitement de l’intelligence artificielle dans « Tau » : Le traitement d’une valeur sûre… Le test de Turing.

Pan dramatique du long-métrage d’Alex Garland (2015), le test de turing permettant de vérifier la capacité d’une machine a faire preuve de signes d’intelligence humaine. Avec l’androïde Ava, Garland rendait saillant la capacité d’une intelligence artificielle à véritablement s’approprier l’objectif du test de Turing pour le retourner contre son créateur humain. « Tau » rend plus difficile ce constat. Si l’IA est ici dépeinte comme un bourreau, un geôlier, ne se priant pas pour infliger de lourds sévices physiques à ses prisonniers (et à sa prisonnière), les passages où Julia réussit à apprivoiser Tau peuvent, en un sens, s’apparenter à un test de Turing. Julia apprend à une IA  le sens légitime de la vie, comment la vie humaine s’est créée, comment elle à évolué. Tau apprend plusieurs façons de considérer l’art, la lecture… Cet « éveil à la vie » est une évidente vérification que l’IA a une conscience humaine. Julia tente en effet de corrompre Tau en faisant appel à ses sentiments profondément humains. C’est pour cela qu’à un moment donné du film, Tau prend l’apparence d’un homme pour dialoguer avec Julia.

Conclusion peut-être hâtive, mais la forme la plus évolué de l’intelligence artificielle est-elle l’humain en soit ? C’est inexorablement l’une des questions qui semble se dégager de « Tau », et dont D’Alessandro, derrière le visage manichéen du film, tente de répondre.

Il est forcément évident que « Tau » finit par devenir humain. Il tombe amoureux de Julia, comme Caleb est tombé amoureux d’Ava dans Ex Machina. La trajectoire du sentiment amoureux est toutefois inverse, nous nous intéresserons plus tard dans notre réflexion à la manière dont la relation entre Tau et Julia prend racine et surtout la façon dont le test de Turing s’enclenche entre ces deux personnages.

L’androïde féminin « Sophia »

La notion d’intelligence des machines est un concept qui date depuis 1947 et qui est mentionné par Allan Turing. Dans un rapport intitué « Intelligent Machinery », Turing semble faire préfigurer la configuration future du test du Turing, en insistant sur l’intelligence des machines, sur leur capacité à engager un échange cohérent avec l’homme. Plusieurs machines lancent véritablement le débat (ELIZA ; PARRY), elles permettent d’engager avec la machine à échange écrit. ELIZA fonctionne par une réponse formée de mots-clefs pour dialoguer avec l’homme et répond de façon générique en cas de questions difficiles. Dans nos films, l’accent est mis sur l’oral, les avancées technologiques permettent une réponse tellement poussée à ce stade qu’on a le sentiment d’avoir affaire à une réflexion humaine en face de nous. La programmation poussée rend plausible ce constat. Aujourd’hui, avec des IA modernes, le degré de réponse cohérente est assez perturbant (Boibot, Evie…) et la première IA « humanoïde », assez singulière, fait froid dans le dos tant elle a la capacité de dialoguer de manière simple avec un homologue humain (CF : Allez voir l’interview de Kombini de Sofia, le premier robot féminin qui a obtenu la nationalité Saoudienne). Parce qu’ici, l’interview de Kombini peut se rapprocher en soi d’un test de Turing. Puisque la dualité des questions posées permet à l’IA de se justifier. En un sens, face à une question délicate, la réponse, comme ELIZA, malgré l’avancée de la technologie, reste générique et superficielle. – Face au choix « Steve Jobs » ou « Blowjobs » ; Sofia répond « Not interested » (Pas intéressée).

Tau et Julia : Une relation amoureuse : Symptôme inaliénable du test de Turing ?

Le propos sur l’IA laisse souvent la place à des poncifs très faciles sur la relation Tau/Julia

Bien sûr, le degré d’évolution de l’IA est poussé à son paroxysme dans ces films de SF tel que l’est « Tau », et on ne peut pas encore (probablement) envisager un tel concours de circonstances dans un futur proche. Le tout est idéalisé, assez avancé avec de gros sabots et le tout romancé pour coller le plus possible à l’intrigue souhaité par le scénariste du film en question. Ainsi, si la tentative de test de Turing entre Julia et Tau ne va pas jusqu’à son terme, c’est parce que l’enjeu est d’emmener Julia vers un cheminement narratif obligatoire, sous peine de lasser le spectateur.

Là où Garland s’est mieux débrouillé que D’Alessandro c’est dans l’utilisation qui a été fait de ce protocole inventé par Alan Turing. On apprend dans Ex Machina que le cœur même de l’intrigue résidait dans une ambition de Nathan, le créateur de l’IA, d’observer jusqu’où pouvait aller son projet pour corrompre son alter-ego humain (Caleb). Par l’exacerbation de certains génomes foncièrement humains tels que l’instinct de survie, la manipulation et la lecture de micros-expressions, Ava parvient à se libérer de sa prison de luxe. Au contraire, dans Tau, c’est Julia qui utilise tous ces génomes, et c’est alors Tau, l’intelligence artificielle qui va tenter de déceler, ou non, l’imposture.

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Ainsi, le test de Turing fait forcément partie de « Tau ». Pan important du long-métrage dans la construction de l’antagoniste et dans la relation entre ce dernier et Julia, le centre de la diégèse, il conviendra au moment d’aborder le film au travers de cette relation spéciale, de revenir sur cette capacité du réalisateur à exploiter la thématique, à l’inverse de la manière de procéder d’Alex Garland dans son propre film.

Beaux plans mais photographie (trop) colorée.

« Tau » réalise ce travail avec moins de tact, où les poncifs dramatiques se font plus nombreux que le film de Garland. Le test de Turing inversé prend officiellement racine lorsque Julia comprend qu’elle doit utiliser Tau pour parvenir à s’en faire un allié et s’échapper de sa prison de luxe.

La relation de Turing prend ici racine dans une dimension simple : on recueille l’humanité de l’IA en apprenant à celui qu’est-ce que l’humanité ?

Quand l’humanité commence-t-elle ? Quand finit-elle ? Jusqu’où pouvons-nous être considérés comme humains ? Que sont les hommes des cavernes ? Qu’est-ce que la musique classique ? Dois-je protéger l’humain qui m’a créé alors qu’il me veut du mal ? Suis-je en capacité de comprendre dans une relation binaire entre une prisonnière et son geôlier, qui mérite mon aide ? Puis-je tomber amoureux d’une humaine alors que je suis une machine ?

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La relation amoureuse entre Tau et Julia possède des enjeux inverses de celles entre Caleb et Ava au sein d’Ex Machina. C’est, dans le film de D’Alessandro, l’IA qui souffre d’un amour manipulateur. Dans une future chronique, nous nous interrogerons sur le point de rupture entre Julia et Tau, où l’objectif de la prisonnière s’inverse (lorsqu’elle souhaite sauver Tau de son créateur) en comparant l’IA avec sa représentation au sein du film Transcendance (2013) de Wally Pfister. En attendant, vous pouvez toujours voir « Tau » pour les abonnés à Netflix, qui propose une vision cohérente de l’IA et du Test de turing au même titre que le film d’Alex Garland. À bientôt pour la suite (et fin de cette chronique).

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