DC Comics démontre que ne pas copier l’univers cinématographique Marvel est la clé du succès.
Les adaptations de comics (qui avaient déjà donné naissance à des superproductions comme X-Men et Spider-Man dans les années 2000) ont atteint un nouveau niveau de popularité lorsque The Avengers est sorti en 2012. Marquant le point culminant de l’ambitieuse phase 1 de Marvel, le film a servi de preuve concrète que le modèle de l’univers cinématographique commun pouvait fonctionner. En plus d’avoir été largement salué par la critique, The Avengers a également battu des records au box-office, en route vers des recettes de 1,5 milliard de dollars dans le monde entier. Son succès a fait de Marvel l’un des studios les plus puissants de l’industrie.
Sans surprise, Avengers a influencé une pléthore d’imitateurs cherchant à lancer leur propre univers commun. Naturellement, Warner a tenté de développer une méga franchise autour de leurs propriétés DC Comics, en commençant par Man of Steel en 2013. Mais à peine quatre ans plus tard, le DC Extended Universe s’est éclaté au sol lorsque Warner a fait le choix d’adapter la recette Marvel en insérant le loup dans la bergerie : Joss Whedon et ses reshoots de Justice League. Le film, avec 659 millions de dollars au box-office, est un fiasco total, en plus des critiques négatives bien méritées. Alors que Marvel s’apprêtait à sortir Avengers : Infinity War et Avengers : Endgame, DC sombrait, à la recherche d’une idée pour se relancer.
Mais, Warner ne s’est pas laissé abattre, malgré la gestion calamiteuse dont elle a fait part avec Henry Cavill, Ben Affleck et Zack Snyder, DC Comics a ensuite enchaîné avec deux succès box-office et critique, Shazam (366 millions pour un budget annoncé de 100 millions) et Aquaman (1,2 milliard), ce dernier étant devenu le film DC Comics le plus rentable de tous les temps. Aujourd’hui, DC Comics va de l’avant, signant des succès avec des films indépendants à l’image de Joker de Todd Phillips qui a également dépassé le milliard et un retour critique unanimement positif. L’avenir de DC Comics au cinéma s’annonce riche de nouveauté et bien plus alléchant que la phase IV de Marvel.
LA PLUS GROSSE ERREUR DE WARNER
On comprend bien pourquoi la Warner souhaitait créer son propre univers commun à la Marvel, d’autant plus qu’elle avait sa propre écurie de personnages de comics tels que Batman, Wonder Woman, Superman et l’immense catalogue de personnages DC Comics qui va avec.
L’erreur cruciale que le studio a commise a été dans l’exécution. L’une des raisons pour lesquelles Avengers a si bien fonctionné est que Marvel a d’abord réalisé des films indépendants pour Iron Man, Hulk, Thor et Captain America, en les étoffant et en permettant au public de s’investir dans leurs épopées respectives avant de les aduler dans une histoire commune. Warner est allée dans la direction inverse, se précipitant après deux films autonomes la tête baissée dans un film commun avec des héros méconnus du grand public.
Man of Steel a été suivi par Batman v Superman : Dawn of Justice (qui mettait également en vedette Wonder Woman sous les traits de Gal Gadot), puis par Justice League. Les fans de longue date étaient impatients de voir leurs héros préférés se réunir dans un même film sur grand écran, mais les spectateurs occasionnels rencontraient des personnages comme Aquaman et Cyborg pour la première fois. Il n’y avait pas autant d’engouement pour Justice League que pour Avengers.
En plus d’essayer de reproduire le modèle Marvel, Warner a également commis l’erreur fatale d’essayer de copier le ton, le style de Marvel alors même que DC Comics est un univers bien plus sombre et mature. Le studio a fait appel à Joss Whedon pour superviser les reshoots et de nouvelles prises importantes, changeant ainsi fondamentalement le film original de Zack Snyder. En réponse aux réactions mitigées de Batman v Superman (trop sombre, trop adulte, pas assez drôle…) majoritairement émise par un public non accoutumé à cet univers de comics, Warner Bros a voulu orienter sa franchise dans une direction différente, en se penchant davantage sur l’approche plus légère et familiale de Marvel. Le résultat final a été un mélange de tons et de styles qui a fait dérailler le plan directeur avant même qu’il ne prenne son envol. Reste à savoir ce que la prometteuse, presque légendaire, Snyder Cut de Justice League donnera sur HBO Max, mais la version de Joss Whedon a condamné l’univers étendu de DC Comics au grand écran, c’est un fait.
Comme beaucoup d’autres univers partagés qui ont échoué, Warner s’est montré trop impatient et hâtif, planifiant une liste de films en mode Marvel sans prendre le temps de créer un véritable monde au préalable. Le DCEU a néanmoins rebondi à l’inverse d’autres univers étendu comme le Dark Universe qui n’est pas allé plus loin que le premier film. Les plans du studios ont néanmoins été complètement redéfinis.
Dévoilé en 2014, le DCEU devait comprendre un film solo sur Flash en 2018 ainsi qu’un film sur Green Lantern et Cyborg en 2020. Des éléments qui montrent à quel point l’échec d’un film peut avoir des conséquences à court et moyen terme. Prouvant également, que la recette Marvel ne pouvait être généralisée à toute l’industrie cinématographique, et heureusement.
Le planning des sorties DC Comics est bien plus excitant que la phase IV de Marvel
Dans les deux prochaines années, le catalogue de DC se composera de films comme Wonder Woman 1984, The Suicide Squad, The Batman, Black Adam, The Flash, Shazam 2 et Aquaman 2, suivi d’une série Green Lantern, de la Snyder Cut Justice League et jouera sur la nostalgie comme pour le retour de Michael Keaton dans le rôle de Batman. Mais cette fois, Warner ne met pas l’accent sur un univers partagé, singulier et interconnecté comme le fait Marvel. Chacun de ces projets a été principalement conçu comme autonome dont l’objectif est de faire profiter le public d’un film de haute qualité, plutôt que de le lier à un plan plus vaste. The Batman est entièrement indépendant du DCEU précédemment établi. Il n’est pas non plus nécessaire de voir Suicide Squad pour regarder le The Suicide Squad de James Gunn.
Ce nouveau modèle garantit une grande liberté scénaristique pour chaque film à venir côté DC, permettant à chacun d’avoir sa propre personnalité et son propre ton. Aussi réussi que le MCU ait été, une critique qui revient régulièrement dans les oreilles, l’homogénéité de chaque film. Même les films réalisés par James Gunn et Taika Waititi doivent respecter la formule habituelle de Marvel ou incorporer des points d’intrigue pour développer davantage l’histoire globale du MCU. Donnant souvent l’impression que ces films ont fait l’impasse sur la vision de l’auteur pour être repris en définitive par Marvel Studios appliquant sa recette.
DC Comics a une nouvelle approche cinématographique à l’image de Joker. La bande-annonce de Batman ne ressemble en rien à ce qu’un film du MCU proposerait. The Suicide Squad pourrait troquer son côté loufoque, old-school et tout en couleur à la catégorie R-Rated. Wonder Woman 1984, bien que mettant en scène un personnage du DCEU de Zack Snyder, n’aura pas de liens avec la Justice League. Chaque film propose désormais un contenu tout à fait différent l’un de l’autre, ce qui crée l’opportunité d’une variété de films qui pourraient plaire à de nombreux publics cibles différents.
DC s’ouvre également en embrassant le multivers. The Flash, qui voit Michael Keaton et Ben Affleck reprendre leur rôle de Batman, en est la meilleure preuve. Pour être honnête, Marvel a joué avec ce concept dans Avengers : Endgame, mais là, les dimensions parallèles ne faisaient que revisiter des événements antérieurs dans la continuité tracée par le MCU.
The Flash a deux Batman différents de deux franchises cinématographiques différentes, ce qui fait un pas de plus vers l’idée d’un véritable multivers. Plutôt que de chercher à maintenir une seule franchise canonique, DC dit au public que tout est canon et qu’il n’a pas à se soucier de la façon dont les choses s’imbriquent. C’est une manière d’aborder les adaptations des comics, en profitant du fait que de multiples itérations de ces personnages existent dans les bd. Batman de Robert Pattinson est celui qui devrait faire la tête d’affiche des prochains solos de Batman, mais cela ne veut pas dire qu’il sera le seul Batman sur le grand écran.
Tout cela ne veut pas dire que Marvel a fait moins bien, mais la recette Marvel arrive presque à son terme, et leur modèle ne fonctionne pas pour tout le monde. DC Comics va proposer un catalogue varié, pourvu de la véritable vision de ses réalisateurs, de tons différents. Il est forcément très intéressant de voir ce que le studio va proposer alors que cela semble rempli de promesses.