Nous sommes au Ve siècle après JĂ©sus Christ. L’Empire romain s’émiette. Des barbares venus des quatre coins du monde font trembler puis s’effondrer le plus puissant empire de tous les temps. Au nord de ce qu’appelaient alors les Romains, la Gaule, vit Clovis.Â
Clovis est le fils de Childéric 1er, roi des francs saliens de la ville de Tournai. Il est considéré par Rome comme un général de l’empire. En effet, depuis plus d’un siècle les Romains doivent repousser de nombreuses invasions aux frontières germaniques. La Pax Romana ne tient plus et les peuples barbares sont alors fédérés par l’empire en échange de terres et de ressources. C’est ainsi que les francs saliens se voient « romanisés » alors que les francs rhénans restent en dehors des frontières romaines, en Germanie. Le grand-père de Childéric se nomme Claudion le Chevelu. Il s’empare en 431 de Tournai. Contre les traditions franques, Claudion ne rase pas la ville, mais l’occupe. Il continu son expansion jusqu’à que celle-ci se heurte aux armées de Rome. Il gagne le droit de conserver les terres qu’il a conquises. Nous avons, ici, un bel exemple du foedus, les barbares fédérés.
D’autres peuples originaires de Germanie occupent également la Gaule. C’est le cas, notamment, des Burgondes, Ostrogoths, Vandales ainsi que des Wisigoths. Les rois barbares de ces contrées, se convertissent petit à petit au christianisme, seule religion légale sur les territoires de l’Empire romain depuis que Théodose 1er fixe le christianisme comme religion d’État en l’an 381. Le christianisme auquel adhèrent les Germains reste malgré tout sous la forme arienne ou du paganisme. Ce qui va ébranler plus encore l’influence romaine en gaule.
En 451, un peuple barbare plus barbare encore que les Germains envahit les cités romaines. Attila et ses hordes turco-mongoles causent des ravages sans précédent au cœur de l’Europe. Les francs saliens interviennent en Gaule. Loyaux aux Romains, c’est Mérové, fils de Claudion qui mène alors les armées franques aux côtés du général Aetius lors de la bataille dite « des champs Catalauniques ». De ce petit roi franc, peu puissant ni influant, s’apprête à donner naissance à la plus grande dynastie que l’histoire ait connu : Les Mérovingiens.
CLOVIS
Clovis naît en 466, il hérite directement du pouvoir de son père Childéric (en vieux Germain Ildéric : puissant à la guerre). Comme le veut la religion franque, le pouvoir spirituel se trouvant dans leur longue chevelure est alors transmis à Clovis lorsque meurt son père. La majorité franque est reconnue dès l’âge de douze ans. Du haut de ses quinze ans, Clovis est assez vieux pour recevoir l’héritage de son père d’après les lois saliques. Selon leur religion, les rois descendent des Ases, c’est donc de droit divin qu’il monte sur le trône.
Clovis signifie, en franc, Lodvig (illustre au combat) doit maintenant faire valoir sa personne comme guerrier de renom. Nous sommes en 481 et l’état romain ne possède plus que quelques terres dans le nord de la Gaule. C’est dans la cité de Soissons que gouverne Syagrius au nom de Rome. En réalité, celui-ci ne reconnaît plus l’autorité romaine et c’est quelque peu autoproclamé empereur de la région. Il est temps pour Clovis de laisser parler les armes.
IL NE PEUT EN RESTER QU’UN
L’affrontement était inévitable. Il eut lieu en 486. Clovis demande l’appui du roi des francs saliens gouvernant à Thérouanne, mais celui-ci refuse. C’est le roi des francs saliens gouvernant Cambrai qui accepte de venir en aide à son allié de Tournai. Ensemble, ils viennent à bout de Syagrius. Comme toute victoire mérite butin, les francs ravagent les églises. Et, c’est au chef de guerre, garant de la loi, de la faire valoir. C’est à lui de départager tout le butin équitablement entre les vainqueurs. Or, l’évêque de Reims (Saint Rémi) souhaite absolument récupérer un vase en argent. Proche de Clovis il lui demande alors de le lui remettre.
Clovis demande la permission Ă ses guerriers qui ne s’y oppose pas. Jusqu’au moment oĂą l’un de ses hommes sort de la foule et brise de sa hache le vase rĂ©clamĂ© par l’évĂŞque. Ainsi, la loi ancestrale franque n’est pas enfreinte. Clovis ne rĂ©pondit pas Ă la provocation de son homme d’armes. Du moins, pas tout de suite. Il attendit un an. Lors d’une revue aux champs de mars, il rĂ©primande son guerrier pour l’état de ses armes. Il jette la hache du guerrier dans un excès de colère. Se baissant pour la rĂ©cupĂ©rer, le guerrier fut alors fendu par la hache de Clovis. « Souviens-toi du vase de Soissons ». Il gagna le respect des troupes. (rappelons que les sources principales sont accrĂ©ditĂ©es Ă GrĂ©goire de Tours 538 – 594)
L’ambition de Clovis ne s’arrête pas là . Il fera raser les cheveux du Roi Charléric qui refusa de se joindre à lui lors de la bataille de Soissons. Son fils sera également rasé. Il jure auprès de son père de se venger dès que leur chevelure aura repoussé. Clovis les fait aussitôt décapiter. Puissant, le roi des francs saliens enfoncera ensuite une hache dans le crâne de Ragnacaire. Le roi de Cambrai qui avait prêté main-forte à son cousin Clovis connaît ainsi un funeste destin. Clovis est à présent seul roi des francs saliens et s’établit à Soissons.
Bien que les Burgondes soient des chrétiens ariens, ils tolèrent les autres formes de chrétienté jusqu’à avoir une femme catholique au sein de la famille royale : Clotilde, que Clovis épousera pour consolider ses positions et s’allier le sud de la Gaule. Bien que diplomate, Clovis est avant tout un roi guerrier. Les Alamans à l’est menacent les francs rhénans au nord. Clovis décide alors de les affronter à Tolbiac en 496. Au cœur de la bataille, à situation désespérée, mesure désespérée, Clovis jure de se convertir à la religion de sa femme s’il sortait vainqueur de la bataille.
Ă€ GENOUX
La réalité est un peu différente. Grégoire de Tours qui relate les faits, inscrit alors la bataille de Tolbiac dans l’histoire. C’est le lieu où Clovis aurait choisi de se convertir au christianisme. C’est le lieu qui marque la rupture entre l’antiquité romaine et le moyen-âge. Grégoire de Tours, rappelons-le, est né en 538 soit 27 ans après le décès de Clovis. Personne ne sait où a lieu la bataille de Tolbiac, que nous surnommons ainsi en raison des faits relatés dans l’Histoire des Francs par Grégoire de Tours. Fin stratège et habile politicien, Clovis se convertit pour gagner le soutien des élites gallo-romaines. La noblesse alors alliée de Clovis, lui permet de gagner l’opinion publique.
Il s’appuie sur les valeurs de guerriers de son peuple, et des valeurs romaines Ă l’aide du christianisme. Les Alamans subissent une sĂ©vère dĂ©route. Tolbiac est un succès et Clovis est baptisĂ© Ă Reims. « Courbe-toi fier Sicambre, adore ce que tu as brĂ»lĂ© et brĂ»le ce que tu as adoré » lui dit RĂ©mi, l’évĂŞque de Reims. Dès lors de Louis VI Ă Charles X, tous les rois de France Ă l’exception d’Henry IV (guerres de religion) qui se fait baptiser Ă Chartres. Tous les rois de France sont baptisĂ©s et sacrĂ©s Ă la CathĂ©drale de Reims. En ce jour de NoĂ«l, les trois mille guerriers francs reçoivent le baptĂŞme. Clovis fera des hĂ©rĂ©tiques sa « principale mission ». En rĂ©alitĂ©, une fois de plus, l’hĂ©rĂ©sie des peuples qui habitent encore la Gaule, est un prĂ©texte facile pour le roi de les envahir et de s’approprier leurs terres.
L’HÉRITIER D’AUGUSTE
Clovis est nommĂ© « consul de Rome » par l’empereur romain d’orient. Lui confĂ©rant les droits d’annexer le royaume chrĂ©tien arien des Wisigoths. Il n’en fallut pas plus pour Clovis comme prĂ©texte. Il se rend en 507 Ă Poitiers et dĂ©fait de ses mains Alaric. Clovis a le champ libre, il conquit et pacifie l’Aquitaine, il prend AngoulĂŞme, Bordeaux, Toulouse… Clovis, consul de Rome est nommĂ© Ă titre d’estime Auguste. Le Royaume franc est alors considĂ©rĂ© comme le successeur de l’Empire romain d’Occident. Le monde civilisĂ© est de nouveau partagĂ© entre deux Empires. Celui menĂ© par Clovis en Occident et de l’Empereur Anastase en Orient.
Clovis instaure le premier Code civil. La loi salique. Il destitue les droits des femmes. Elles n’ont pas le droit d’hériter, de commettre d’adultère (ou enterrées vivantes dans la bout jusqu’au cou). Il interdit les mariages incestueux. Mais, surtout, les femmes ne peuvent hériter d’une couronne. Ainsi, la succession du trône ne peut être que masculine.
Clovis mourut le 27 novembre 511 d’une mort naturelle à Paris. Il est enterré dans le mausolée qu’il a fait construire pour lui. Sa femme Clotilde l’y rejoindra 34 ans plus tard. Enterrés dans l’église des Saints Apôtres. On ne retrouvera jamais son tombeau. Au XIV siècle, l’image de Clovis refait surface. En effet, les trois fleurs de Lys symboliseront la royauté française. Clovis aurait changé ses armoiries lors de la bataille de Tolbiac. Lors de la guerre de Cent Ans contre le Royaume d’Angleterre, les Capétiens rappellent leur droit divin face à l’hérétique anglais.
Les hĂ©ritiers de Clovis se sont entre-dĂ©chirĂ©s tout au long du VIe siècle. Si bien que l’on dit que cette pĂ©riode fut la plus noire de l’histoire de l’humanitĂ©.Â